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Association " Les Amis de nos Vieux Villages Haut Saonois". Recherche et communication sur le Patrimoine des villages de Haute Saône

BATELIERS ET ECLUSIERS A CHARENTENAY DANS LES ANNEES SOIXANTE.

Alain MEY, fils d'une famille d'éclusiers a vécu une partie de son adolescence à l'écluse de Charentenay. Il a fait part de quelques uns de ses souvenirs dont il a autorisé la publication dans les colonnes de "Chroniques de nos villages saônois". Merci Alain, tu as la parole:

"Souvenirs des sixties" (15 Mai 1965)
Photo du Gabes dans l'écluse de Charentenay

 

Elle contient deux éléments intéressants : Tout d'abord le bateau (eh oui, dans le milieu marinier, on dit le bateau, pas la péniche). Remarquez la peinture sur le devant. Ce triangle blanc avec un triangle rouge au centre (la photo en noir et blanc ne le montre pas mais c'est bien un rouge du plus bel effet), c'est la marque de la Compagnie Générale HPLM. Une compagnie de navigation intérieure qui a dominé les rivières et canaux pendant plus d'un siècle et qui a aujourd'hui disparu. Toute une époque !

Second élément intéressant : la barre de transmission pour ouvrir les deux portes de l'écluse à la fois. Avant ça, on ne pouvait ouvrir qu'une porte à la fois, à l'aide d'une manivelle et d'huile de coude. Et puis, ils ont installé cette espèce de portique qui permettait de manoeuvrer les deux portes en même temps, toujours à la manivelle, bien sûr. C'était un peu plus dur mais ça économisait les pas.

Je peux bien confesser aujourd'hui (il y a prescription) que j'avais trouvé un truc pour alléger les efforts en fermant : il suffit de lever un peu une vanne de l'autre ensemble de portes, ça crée un léger courant qui fait tout le travail en entraînant les portes. Un jour que je faisais un remplacement, j'utilisais cette méthode mais j'ai un peu forcé en levant la vanne et les portes se sont refermées à grande vitesse. L'une d'elles s'est bloquée alors que l'autre continuait. Bilan : la barre de transmission complètement tordue et navigation bloquée pendant une journée.

Bilan du bilan : ils ont juste enlevé la barre de transmission, ce qui a rétabli le fonctionnement de l'écluse mais plus de possibilité de manoeuvrer les deux portes à la fois. Ce qui a musclé mes jambes pendant les jours suivants car je n'en étais qu'aux premiers jours de mon remplacement.
 

"Les barques des Ponts et Chaussées Navigation" (Avril 1966)
Photo d'une partie de pêche devant la maison éclusière à Charentenay


Quand nous étions à l'écluse de Charentenay, dans les années 60, chaque écluse et chaque barrage était doté d'une barque. Je ne sais pas si c'est encore le cas aujourd'hui. J'en garde un souvenir fabuleux. Rien à voir avec une frêle barque de pêche (bien qu'elle convenait parfaitement pour ça). Du maousse costaud ! Je ne sais plus la longueur, mais il y avait deux jeux de rames. Dure à démarrer mais une fois lancée, un vrai hors-bord. Non, j'exagère mais quand même très rapide.

Une photo à l'écluse de Charentenay dans les années 60, la barque amarrée devant la maison éclusière et mes deux frères en train de pêcher. J'ai revu quelques décennies après, cette barque en ruines et ça m'a fait un pincement douloureux au coeur. Elle représentait tellement de bons souvenirs... J'aimerais savoir s'il en existe encore en service.

 

"Avant les feux aux entrées des écluses de la petite Saône" (25 Avril 1965)
Photo des panneaux régulants les entrées des bateaux dans l'écluse avant les feux de signalisation

Il y a une cinquantaine d'années, il n'y avait pas de feux pour réguler les entrées des bateaux dans les écluses. Dans les années soixante a été mis en place un système de panneaux qui servaient à cet effet. Ces panneaux de grande taille étaient fixés sur un support. Ils avaient une signalisation verte d'un côté et rouge de l'autre. Et il fallait les basculer à la main en fonction du trafic. Sur ces photos datant de 1965, on voit bien le panneau de l'écluse de Charentenay. Le bateau sur la photo est le Vieux Pierre. C'est sur ce bateau que Denise Pignolet, l'animatrice de la page facebook...

"Les z'amoureux de la Saône"  

...avait trouvé l'amour : en effet, elle a épousé le fils des mariniers de ce bateau. C'était lui qui avait créé la page, mais depuis, il nous a quittés, et Denise a brillamment repris le flambeau.

 

Le Vieux Pierre, photo de Denise Pignolet.

 

Une ancienne péniche : "La Volga" (25 Avril 1965)

 

Cette fois-ci, il s'agit d'une photo du La Volga passant sous le pont de Ray-sur-Saône le 25 avril 1965. Même en ce temps là, c'était déjà un très ancien modèle. En effet, on ne voyait plus que très rarement des bateaux de ce type avec juste une mini-marquise à l'arrière et la cabine avec le logement au milieu. Déjà une pièce de musée à l'époque !

 

"Les pourboires" (17 juin 1964)
Photo intitulée "Papa était à la pêche"...

 


"En effet, mon père aimait bien aller à la pêche à proximité de l'écluse et quand un bateau était annoncé par le téléphone à manivelle reliant les écluses entre elles (1), ma mère le prévenait pour que le service n'en souffre pas. Quand j'étais à la maison, il avait trouvé le truc pour être plus tranquille " :
Quand il allait à la pêche  c'était moi qui éclusais. Et où ça devenait intéressant, c'est qu'il me donnait 1 franc par bateau. Pas grand chose pour lui, le début de la fortune pour moi : 10 bateaux, ça faisait un 45 tours de Johnny, Sylvie ou Richard Anthony ! Et en plus j'avais le droit de garder le pourboire ! 20 centimes ! Il y avait quelques rares généreux qui donnaient plus. La fête quoi ! Et aussi quelques radins... Le pourboire. Aussi loin que je me rappelle, c'était toujours 20 centimes. Jusqu'à ce qu'on quitte l'écluse en 1966. Après, je ne sais pas. Est-ce que ça existe encore aujourd'hui ? Si oui, c'est combien maintenant ? D'où venait cette coutume ?

Il parait que c'était le remerciement du marinier à l'éclusier qui venait lui prendre ses cordes (d'ailleurs, les rares radins étaient connus et devaient souvent se débrouiller tout seuls pour s'amarrer). Mais alors, pourquoi n'y avait-il pas de pourboire en canal où l'amarrage du bateau est aussi facilité quand quelqu'un prend les cordes ?

(1) Oui, à cette époque, ce n'était pas le réseau de téléphone public qui était utilisé pour le service. Il y avait un réseau spécial et indépendant fait d'une ligne qui reliait les écluses entre elles. C'était un téléphone à manivelle dont les fusibles explosaient à chaque éclair un peu proche en envoyant des morceaux jusqu'à l'autre bout de la pièce.
"

LES AUTRES CLICHES:

Photographies de 1963 et décembre 1965 Collection Alain MEY
Photographies de 1963 et décembre 1965 Collection Alain MEY
Photographies de 1963 et décembre 1965 Collection Alain MEY
Photographies de 1963 et décembre 1965 Collection Alain MEY
Photographies de 1963 et décembre 1965 Collection Alain MEY
Photographies de 1963 et décembre 1965 Collection Alain MEY
Photographies de 1963 et décembre 1965 Collection Alain MEY
Photographies de 1963 et décembre 1965 Collection Alain MEY
Photographies de 1963 et décembre 1965 Collection Alain MEY
Photographies de 1963 et décembre 1965 Collection Alain MEY

Photographies de 1963 et décembre 1965 Collection Alain MEY

"Pour photographier la maison éclusière avec un effet de contre plongée, je m'étais mis à plat ventre sur la surface gelée du canal !"

 Les deux dernières photos nous montrent Alain , devant la maison éclusière de Charentenay posant sur la Saône gelée en décembre 1965 (le transistor était à la mode!)...
A la suite,il nous fait voir d'autres clichés pris dans les années 50 alors que la Saône était gelée même en eaux vives. Les hivers 54 et 56 ont été particulièrement rudes. Les "bateaux" étaient obligés de mouiller puisque les écluses ne pouvaient plus fonctionner! Ici bateaux de commerce et de maintenance s'étaient regroupés dans le bras de la Petite Saône à proximité de Ray. Les mariniers avaient donc la possibilité de se ravitailler au village pendant les jours de chômage, en attendant le dégel. Ici, d'après l'auteur, les bateaux accompagnaient la drague afin que l'on puisse charger les alluvions dans leurs cales.

 

On  prend conscience du mode de vie des bateliers pris par les glaces: il existait une réelle convivialité entre eux ce qui les aidait à passer le temps en faisant contre mauvaise fortune bon coeur! Un chemin de planches permettait de gagner la rive et le village sans risque de glissade! Les manteaux de fourrure étaient de sortie, traduisant aussi une certaine aisance financière? Des relations amicales se tissaient  avec les éclusiers!

 Alain Mey ajoute:

"À ce sujet, une petite anecdote  : quand nous habitions à Demangevelle, en 1954, des bateaux étaient là aussi restés bloqués dans la glace et nous avions sympathisé avec eux, en particulier avec des mariniers belges qui sont devenus de très bons amis, à tel point que le fils du bateau a épousé ma sœur une quinzaine d'années plus tard"!

Image associée Photo non contractuelle qui illustre le mariage d'un marinier (belge?) et d'une éclusière (française?). Symbole de l'union...européenne!

" Ci dessous le Juliana, bateau de ma soeur Solange et de son mari belge. Le bateau chargé se trouve au port de Besançon, non loin du tunnel fluvial sous la citadelle. Pour aller plus loin dans la symbolique européenne: la soeur de mon beau frère, belge, a épousé un allemand!"

Comme quoi la batellerie a fait beaucoup pour le rapprochement des peuples et des Nations!

 

"Saône.org" nous donne un aperçu des problèmes rencontrés par la batellerie en hiver:

 

Le gel bloque le sel 
Article 01 du 09/02/2006

Trois péniches chargées de sel de déneigement sont à quai à Port-sur-Saône, deux autres à Corre. Une épaisse couche de glace obstrue le canal vers les Vosges.

Plus de 20 cm de glace

On peut en rire : du sel destiné à la viabilité hivernale bloqué par le gel, ce n'est pas banal. Sauf que les mariniers, eux, se font un peu de mouron et ne rentrent pas un euro dans les cales quand ils chôment, vaincus par la force des éléments. « Tant qu'il y a trois centimètres de glace, on passe. Jusqu'à 15 cm, Voies Navigables de France nous ouvre la route. Quand l'épaisseur est trop importante, on s'arrête.Il y a des années que je n'ai pas vu ça. » Alors, Donald épluche sa comptabilité pendant que madame brique la cabine et les cuivres de la « Don-Clau ». Pourtant, Hans, son voisin d'infortune passagère (31 années derrière la barre comme artisan) et Donald (depuis 38 ans à son compte) n'aiment pas trop parler chiffres en ce moment : « Éternel problème... Dès qu'on est bloqué, ça nous coûte de l'argent. On a 1.500 € de frais fixes par mois. Et puis, il y a le risque de ne pas avoir un nouveau contrat, vu que nous n'avons pas livré dans les temps. » A Voies Navigables de France, en Haute-Saône comme dans les Vosges, on guette « la fenêtre météo » pour lancer les grandes manoeuvres.

Surtout l'arme -en rien absolue- poussée par les 220 CV du « Pélican », un brise-glace dont on attend le retour à Corre pour rouvrir la voie. « Le matériel arrive à ses limites. On a travaillé dans des conditions effroyables. Quand la couche atteint plus de 20 centimètres, le brise-glace souffre terriblement », commente un agent de la Navigation du nord-est à Golbey. Le redoux actuel pourrait favoriser les opérations. Sauf que le mercure va replonger dans la nuit de vendredi à samedi... Donald et Hans attendent du renfort pour taper une belote. Leur collègue coincé comme eux à Port-sur-Saône a mis le cap sur Strasbourg en attendant des heures meilleures.
G. M

Deux autres articles concernent la navigation à Ray et à l'écluse de Charentenay:

« Un bateau coincé sur la Saone  »
Article 4 du 25 juin 2009

Un couple d'Allemands a dû faire appel à une équipe de plongeurs hier matin. De retour de la Méditerranée, ils se sont retrouvés enlisés dans un banc de sable.

C'était leur retour de croisière. Peter et Rosemary Preugshat, 70 et 69 ans, un couple de retraités allemands, étaient partis il y a deux ans, depuis Hanovre, à bord de leur bateau, le Malytho, pour rejoindre Frontignan où ils ont des amis. Tout en visitant les alentours évidemment. On ne peut pas dire que la Haute-Saône leur porte chance puisque déjà, à l'aller, ils avaient dû faire appel aux pompiers, à Corre : ils avaient perdu leur hélice et leur bateau prenait l'eau. Alors qu'ils revenaient tranquillement de leur périple, mardi soir, ils ont à nouveau eu une mauvaise surprise, cette fois à Ray-sur-Saône. Leur bateau s'est retrouvé enlisé dans un banc de sable. Ne parlant pas français, ils ont heureusement rencontré une femme parfaitement bilingue et habitant au bord de l'eau. Qui a fait appel aux pompiers. Hier matin, vers 9 h, les plongeurs sont donc venus à la rescousse du couple, qui avait quand même dormi sur leur petite péniche.

Sur la rive, Rosemary est un peu paniquée. Une heure que les plongeurs, sur un petit bateau et dans l'eau, tentent de faire bouger la petite péniche à l'aide d'une corde, en vain. Tandis que son mari manoeuvre. « Il a des problèmes cardiaques... », dit-elle*, comme pour expliquer son anxiété. Trois plongeurs, sous les ordres du sergent-chef Rossi, multiplient leurs efforts pour sortir la coque de cette impasse. Mais pourquoi le bateau s'est il retrouvé dans cette mauvaise posture ? « Une bouée de signalisation manquait », concède le pompier. Celle-là même qui prévient le navigateur du côté où le niveau d'eau est suffisant pour passer. « Elle a été arrachée la semaine dernière par un autre bateau », se désole un agent de Voies navigables de France. « Vous savez, c'est difficile de surveiller 140 km de voie d'eau. »
« Les pompiers sont vraiment zuper ! », clame Rosemary. Pas tort. À peine plus d'une heure après avoir commencé, les plongeurs ont réussi à dégager le bateau. Sur la rive, Rosemary applaudit. Sur le bateau, Peter crie merci. Ils peuvent à nouveau voguer... Mais, confie Rosemary: « C'était la dernière fois. Nous sommes trop vieux. Quand nous arriverons en Allemagne, nous vendrons le bateau, définitivement. »
Emilie FIEROBE 
efierobe@estrepublicain.fr


*La journaliste ne parlant pas allemand, l'interview s'est déroulée en anglais. La traduction est fidèle à l'esprit mais reste approximative.

 

Ecluse de Charentenay bloquée pour plusieurs jours
(Article n° 1 année 2000)

Samedi matin, un bateau de plaisance est à l'origine d'un incident d'éclusage, à l'écluse de Charentenay qui va immobiliser l'utilisation du sas pendant plusieurs jours. Une famille de plaisanciers helvétiques a éclusé leur bateau de plaisance à l'écluse électronique et automatique de Charentenay. Les consignes d'utilisation de l'écluse n'ont pas été respectées, car l'avant du bateau touchait les portes de l'écluse. Quand le niveau de l'eau a monté dans le sas, le bateau a suivi le mouvement mais l'avant de l'embarcation était prisonnier sous un épar de la porte de l'écluse. L'arrière du bateau, dont le coque est en acier, a commencé à se lever, puis la porte de l'écluse est sortie de son emplacement, sous la poussée. Le vérin est tordu ainsi que l'armature de la porte.

D'après les services de la navigation, l'écluse sera immobilisée pour plusieurs jours. Une grue devait venir hier en soirée de Besançon afin de dégager le bateau et entreprendre ensuite le démontage de la porte pour faire les réparations. Des hommes-grenouilles doivent également intervenir afin de faire ces réparations. Il semblerait que les plaisanciers en cause n'avaient pas les notices d'utilisation des écluses automatiques. Cet accident d'éclusage n'a heureusement fait aucun blessé, mais il n'a pas manqué de soulever le mécontentements des autres plaisanciers, bloqués samedi.

NB: Là, Alain MEY était tout à fait innocent!

Ecluse de Charentenay vers 1900

Bateaux se présentant à l'écluse de Charentenay au temps du halage...

 Travaux récents à l'écluse de Charentenay*

L'auteur tient à signaler que, si l'écluse est répertoriée comme écluse de Charentenay, étant donné son implantation sur le territoire dela commune de  Ray, elle devrait s'appeler écluse de Ray!

La Saône gelée en 2015. P.M.

Un grand merci encore à Alain MEY qui nous a confié ses souvenirs d'adolescence à l'écluse. Aujourd'hui et bien que résidant à Vesoul il s'intéresse toujours à Ray et à ses environs. Ses reportages photographiques sont appréciés!

Je vous invite à consulter la page internet  d'Alain:

http://ray-sur-saone-70.fr/

Résultat de recherche d'images pour "bienvenue à ray sur saone"

 

Alain MEY et Patrick MATHIE. Décembre 2017

 

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