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Association " Les Amis de nos Vieux Villages Haut Saonois". Recherche et communication sur le Patrimoine des villages de Haute Saône

PUSEY: PAYS DES MARCHANDS DE CHEVAUX DE GUERRE AU XIXème SIECLE.

 

Dans le passé agricole du village de Pusey figure une spécialité: l'élevage et la vente de chevaux pour l'armée. Cette activité dura  une centaine d'années environ( 1800-1900) en raison de la présence à Vesoul, Gray et Lure de régiments de cavalerie, de la proximité de grands prés servant d'herbages au chevaux et donnant beaucoup de fourrage et d'avoine indispensables à leur alimentation.

Situation de Pusey sur la route impériale n°19. Atlas cantonal de 1858. ADHS

Pusey. Plan d'assemblage 1808. ADHS

Le territoire communal de Pusey montre le village, au centre, entouré de terres ce qui constitue une disposition propice à une exploitation rationnelle des lieux.

Des fermes au centre du village. Cadastre 1808. ADHS

L'architecture de la plupart des fermes du village est fondée sur le principe suivant: habitation en deux ailes perpendiculaires à la rue, grangeages, étable et écuries fermant une cour  en U. A l'arrière? jardins et vergers donnent un accès direct sur les champs et les prés.

Une ancienne ferme typique de Pusey vue de la route principale.

Pusey se situe à quelques hectomètres de Vesoul, ville de garnison. Elle accueillait de nombreux régiments de cavalerie qui avaient besoin de renouveler leurs contingents de chevaux dits "de guerre".

Des escadrons de chasseurs à cheval à Vesoul

En 1776 une caserne nouvellement édifiée accueillait 4 escadrons de chasseurs à cheval. A partir de 1887 c'est le 11eme régiment de chasseurs qui y prendra ses quartiers.

La caserne du 11eme Chasseurs à cheval et la devise du régiment "Voilà les bons"...c'est ce qu'aurait dit le Général Lasalle en présentant le régiment à Napoléon 1er.

Les régiments de cavalerie:

Vesoul: 11ème chasseurs à cheval.

Exercice de voltige au 11ème chasseurs

Construction d'un pont pour le passage des chevaux

 

Gray: 12ème régiment de Hussards.

Des Hussards

Les écuries ont été construites au rez de chaussée des bâtiments.

 

Lure: 1er régiment de dragons.

 

La  remonte:

Les chevaux de cavalerie demandent à être renouvelés pour que les cavaliers puissent "remonter" en selle.
Afin de faciliter le recrutement des chevaux on créa en 1818 le premier "quartier de remonte" à Caen. Le "service des remontes" vit le jour en 1831 afin d'acheter des chevaux qui correspondaient aux différents besoins de la cavalerie. Il fut réorganisé en 1898 en permettant l'achat de chevaux en grand nombre à l'étranger ( Amérique, Argentine). L'armée, en cas de guerre pouvait avoir recours à des réquisitions. Le service fut dissout en 1946.
Le dépôt de   remonte de la cavalerie haut saônoise était basée à Faverney.

En 1914-1918 la cavalerie comportait encore des lanciers!

Au XVIIIème siècle Faverney accueillait 2 compagnies de dragons qui étaient logés chez l'habitant avec des "billets de logement" (on réquisitionnait de fait une chambre pour chaque soldat). En 1754 la municipalité décidait de construire une caserne avec le financement apporté par la vente des bois. Jusqu'en 1940 le dépôt de remonte "Quartier Petiguillaume" fonctionnera, avec une suspension en 1916 où il sera transféré temporairement à Agen.

Extrait d'un texte du Baron de Vaux sur la remonte qui souligne le défaut de l'achat de chevaux à deux ans et demi. Il préconise de laisser les animaux plus longtemps chez l'éleveur pour que celui ci puisse en bénéficier pour les travaux de la ferme ou le transport.

Des épisodes mal vécus par les fermiers: les réquisitions de chevaux.
Lors des campagnes de mobilisation des hommes on réquisitionnait les animaux et en particulier les chevaux et les mulets. Pendant la guerre de 14-18 ce sont 1 140 000 équidés qui  furent retirés des champs, des prairies et des écuries pour aller au front.

Réquisition dans un village.Ref: culture histoire et patrimoine

Malgré la guerre l'humour est toujours là! ref: culture histoire et patrimoine

Fondation pour le secours aux chevaux blessés.

Les Marchands de chevaux de Pusey

La voie de Vesoul à Port sur Saône et son tracé romain prouve une liaison ancienne entre les villes permettant des échanges commerciaux. Pusey se trouve sur cet axe. L'implantation des habitations du village, perpendiculaires à la route et délimitant une cour ouverte, était propice aux soins à apporter au chevaux qui pouvaient être attachés à des anneaux pour y être soigné, pansés et ferrés au soleil... L'âge d'or des éleveurs et marchands de chevaux se situe au milieu du XIXème siècle. Les listes de recensement de la population de Pusey tendent à le démontrer:

 

Deux extraits du recensement nominatif de Pusey en 1856. ADHS

Liste exhaustive des marchands et conducteurs de chevaux recensés en 1856:

Guillaume Charles  Antoine 45 ans

Faivre Alexis 43 ans

Robardey Charles 36 ans

Bailly Antoine 47 ans

Guerittot Nicolas 56 ans

Courtois Pierre 49 ans

 Courtois Joseph 44 ans

 Manteaux Jean Baptiste 36 ans

 Fleury Maurice 43 ans

 Sery Antoine 57 ans

Faivre Pierre 55 ans

Robardey Antoine 37 ans

Guerittot Antoine 59 ans

Guillaume Jean Baptiste 35 ans

Dubois François 41 ans

Soit 15 chefs de famille sur 605 habitants . Une soixantaine de personnes représentant 10% de la population vivaient de l'élevage et du commerce de chevaux.

Le nombre de marchands de chevaux déclinera et sera très réduit après la guerre de 14-18.

Importation de chevaux
La demande étant forte, certains éleveurs et marchands de chevaux se tournent vers l'étranger pour acquérir des chevaux "à des prix intéressants" et les revendre après importation. Les registres de demandes de passeports* récapitulant les noms des particuliers, transmis au ministère, peuvent en témoigner:

* En parcourant les listes de demande de passeport on constate qu'un nombre non négligeable de familles entières haut saônoises émigrent déjà vers les Etats Unis. New York et la Nouvelle Orléans sont les destinations les plus fréquentes.

EN 1853 Emile Robardey se rend à Hamburg tandis que Joseph Courtois, lui, a comme destination Cologne.
François Dubois demandera un passeport pour La Haye en 1856, 1857 et 1858.
Bresson Claude Antoine, lui choisira comme destination Oldenbourg.
Ces régions sont réputées pour leurs élevages chevalins

Cheval frison ( Hollande)

Cheval Westphalien (Allemagne)

Cheval Oldenbourg (Basse Saxe, Allemagne)

Situation d'Oldenburg à proximité de la Hollande.

Oldenburg: une ville et une race de chevaux

Une célèbre foire à Oldenburg

"Combat d'étalons de trois ans"

"Le cheval de selle de race Oldenburg"

Se rendre à Oldenburg ou dans une autre ville d'Europe pour y acquérir des chevaux ou un étalon n'était pas chose aisée. Fort heureusement, le chemin de fer permettait déjà des liaison européennes à l'époque. Les trains de marchandises et les wagons à bestiaux adaptés assuraient un transport fiable même si la durée des trajets étaient longue.

Wagons de voyageurs et wagons à bestiaux, première moitié du XIXème siècle

La cavalerie française était composée de chevaux issus de croisements: anglo-arabes, anglo-normand. Les races françaises d'origine étaient le navarin, le tarbais, le normand...en fait chaque province possédait sa propre race chevaline. En voulant améliorer les races par croisements afin de les faire correspondre aux besoins définis par Napoléon 1er: cavalerie légère, cavalerie lourde.. on a créé parfois des dégénérescences génétiques dans les haras. Les officiers portaient souvent leur choix sur des chevaux barbes originaires du Maghreb.

Napoléon 1er sur son cheval arabe Le Vizir offert par un sultan. Naturalisé, le cheval exposé au Musée de l'Armée bénéficie d'une restauration qui a été financée par une souscription "Il faut sauver Vizir".

L'élevage et l'entretien des chevaux

Il faut rappeler que dans le monde agricole d'autrefois la traction animale n'est pas l'apanage du cheval: les boeufs avec leur masse et leur force sont utilisés pour les labours. Pour les grandes "planches" l'attelage de plusieurs paires de boeufs  est fréquent. Le cheval pouvait-il concurrencer le boeuf?

Extrait d'un texte québecois de 1889 transmis par Jean Provencher en 2016

 

Avec l'introduction des plantes industrielles cultivées sur de grandes parcelles, le boeuf reprend, pour un temps, l'avantage

Ref: attelagebovinsdaujourdhui@unblog.fr

 

Le cheval fait son retour au début du XIX ème siècle:

Ref: Débuts du cheval de labour en Europe. François Sigaut 1987.

En matière d'élevage les anglais sont des précurseurs :
De nombreux ouvrages indiquant les bonnes méthodes d'élevage des chevaux sont traduits en français.

 

L'aération des écuries et leur propreté, l'alimentation sont capitales pour la santé du cheval, dit l'auteur anglais John Stewart  traduit en français  par le  Baron d'Hanens.

Pas d'éleveur ni de marchand sans maréchal ferrant!

Cette profession est essentielle pour le bon fonctionnement d'une ferme. Un cheval (ou un boeuf) bien ferré  sera exempt de boiterie et pourra fournir un travail conséquent. Le ferrage est un art que maîtrise le maréchal ferrant. Il aura fait son tour de France pour apprendre à forger tous types de fer, parer les sabots, appliquer et clouer les fers . Mais  il saura également soigner l'animal. C'est un peu un ancêtre du vétérinaire comme le barbier était celui du médecin!

Enseigne de maréchal ferrant

Bouquet de Saint Eloi, chef d'oeuvre d'un maréchal ferrant.

En forme de fer à cheval, réalisé en  métal forgé, il traduit sur son pourtour les différentes étapes du tour de France. Un couronne de lauriers stylisée est surmontée par l'effigie de Saint Eloi patron des forgerons.

Bouquet de Saint Eloi

Autre "bouquet" présentant différents types de fer à cheval

 

A Pusey en 1856 on dénombre deux maréchaux-ferrant:
Millot Antoine 63 ans
Jobard Pierre 57 ans

Ci dessous, une maréchalerie dans un village français. La maîtresse de maison y tenait un "boit debout" " café du Rocher"pour arrondir les fins de mois du ménage. Le maréchal ferrant pouvait être aussi forgeron et charron ( charrue, roues, brancards, sur la gauche).

A Melincourt le Maréchal ferrant s'est installé sur le pont! Curieux non? Comme le village est en pente peut être a-t-il cherché une surface horizontale comme le pont pour que le cheval soit bien en équilibre au moment du ferrage? Peut être a-t-il simplement posé pour le photographe qui souhaitait animer la scène?...

Reste-t-il des traces de ce passé "chevalo-guerrier"?

Comme dans beaucoup d'anciennes fermes des anneaux de métal fixés dans les murs à hauteur d'hommes rappellent que l'on y attachait des chevaux en attente de leur maître.
Un ancien professeur de structures métalliques  au Lycée Luxembourg de Vesoul, Christian Gandjean, a réalisé une effigie de cheval en métal "le petit cheval blanc" qui surmonte un des puits du village depuis 2017. Elle  honore  la mémoire des éleveurs, marchands et chevaux de Pusey.
Une autre statue métallique réalisée par des élèves du Lycée Luxembourg orne la place du 11eme chasseurs depuis 2023 et rappelle qu'autrefois, en ces lieux, vivaient en harmonie chevaux et militaires avant de partir sous les cieux sombres des funestes champs de bataille.

 

Statue équine, place du 11eme chasseurs de Vesoul ( ancienne place d'arme de la caserne) Photo E.R.

 

De nos jours, Pusey est surtout connu pour ses centres commerciaux Oasis 1 et Oasis 2 qui se sont implantés sur les anciennes pâtures et cultures entre le village centre et l'agglomération vésulienne.
Patrick Mathie 07 avril 2024

 

 

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E
incroyable ! quel travail ! je suis sidérée par tout ce que tu trouves, passionnant, vraiment, merci
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P
je fais simplement la même chose que toi: je cherche! C'est agréable de trouver!