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Association " Les Amis de nos Vieux Villages Haut Saonois". Recherche et communication sur le Patrimoine des villages de Haute Saône

La Neuvelle lès la Charité: château, abbaye et grange cistercienne, monument républicain, Belmondo et odeurs de soufre.

La Neuvelle lès la Charité...voilà un nom de village haut saônois bien compliqué! Pour l'expliciter, il faut prendre le mot "lès" dans son sens latin qui veut dire "près de, à côté de". La Neuvelle est un village nouveau qui s'est construit à proximité du hameau de la Charité constitué par une abbaye cistercienne édifiée au XIIème siècle.  En 1812 Neuvelle et la Charité ont été réunies dans la même entité communale. En Haute Saône on trouve de nombreux villages qui porte le nom de Neuvelle suivi de lès: Neuvelle lès Cromary, Neuvelle lès Champlitte, Neuvelle lès Lure, Neuvelle lès Scey... Mais intéressons nous à notre sujet du jour: Neuvelle lès la Charité!

Pourquoi s'intéresser à ce peit village?
C'est en fait le hasard qui m'y a conduit: revenant d'une course chez un vendeur de motoculture au Pernot, j'ai choisi de rentrer à Ray en faisant une halte dans ce village dont je savais que s'y trouvait la maison de maître d'un personnage saônois "bicéphale": Charles Couyba alias Maurice Boukay. Il fut  professeur agrégé, maire de Dampierre sur Salon, Conseiller Général, député, sénateur, ministre, ... et, sous le nom de Maurice Boukay, parolier, dramaturge et chansonnier parisien, ce qui n'est pas courant! Ayant repéré la bâtisse derrière un rideau d'arbres, au bord d'un ruisseau je me suis arrêté à proximité d'un curieux monument  consacré "à la République" en 1909, ce qui n'est pas sourant!
Curieusement, le monument semblait inachevé: il manquait quelquechose à son sommet! Un buste de Marianne, symbole de la République?... Effectivement!
Au dos du momnument est gravé un texte citant les principaux concepteurs et en premier celui du sculpteur qui comporte une erreur: il ne s'agit pas de Win Jalbert, mais de Jean Antoine Injalbert dit Antonin Injalbert.
Un ajout indique que le buste de Marianne a été pris par les allemands en 1943 et remplacé ( et non restauré!) en 1957. Mais de buste point!

Carte postale ancienne du monument dominé par le buste de Marianne d'Injalbert

 

Mais alors qu'est devenu le buste de remplacement posé en 1957 et qui l'a réalisé?

Charles Couyba était, en plus de toutes ses fonctions et occupations, Directeur de l'Ecole des Arts appliqués à Paris et connaissait beaucoup d'artistes. Il était en particulier ami avec le sculpteur Paul Belmondo, père du comédien bien connu Jean Paul Belmondo et grand père du pilote automobile Paul Belmondo. C'est le sculpteur qui proposa  de faire don d'un buste de Marianne en remplacement du bronze emporté par les allemands.

 

Le buste en bronze signé Belmondo .

 

 

Le sculpteur Paul Belmondo

 

Comme chacun le sait, il existe des amateurs d'arts honnêtes, mais aussi des malhonnêtes qui n'hésitent pas à se procurer des oeuvres par des moyens illicites. C'est ainsi qu'en 2021 le buste de Marianne fut volé! L'Est Républicain relatait les faits et interrogeait alors le Maire du village:

 

 

 

Aux dernières nouvelles ( elles m'ont été transmises le 19 mars par Monsieur le Maire de Neuvelle Patrick Le Garf) les voleurs auraient été appréhendés et passeraient prochainement en jugement, au tribunal de Dijon. Mais de buste, point ! Espérons qu'il sera retrouvé!
La maison de maître de Charles Couyba:

 

 

Charles Couyba/ Maurice Boukay
Charles Couyba a épousé la fille d'un maître de forges, Hélène Hézard. Le mariage a eu lieu à Neuvelle d'où était originaire sa promise, fille d'Edmond Hezard industriel aux forges de La Romaine. On peut constater, en lisant l'annonce de la presse haut saônoise, qu'il y avait "du beau monde" assistant à la cérémonie:

 

Paraphes sur l'acte de mariage d'Hélène et Charles. AD70

Charles et sa famille (le couple aura une fille Charlotte) vivaient dans un très bel appartement parisien, rue Emile Cresson et venaient "se ressourcer" dans la maison de maître de Dampierre sur Salon et celle de Neuvelle.

 

Un charmant petit pont aujourd'hui cadenassé permettait d'accèder à l'arrière de la maison en enjambant le ruisseau de la Fontaine des Marauds. Les nouveaux propriétaires organisent en ces lieux des séminaires tournant autour du bien être et de la spiritualité.

Vue sur la prairie et le château.

Des bâtiments abandonnés, près d'une source sulfureuse:
En longeant les rives du petit ruisseau on peut voir un bâtiment qui était occupé autrefois par des personnels travaillant au château:

 

Un balcon-passerelle permettait d'accéder aux 4 logements du bâtiment construit en briques.

 

La source sulfureuse:
A quelques pas de là ,dans un bosquet, on découvre une curieuse construction cylindrique au toit métallique présentant de fortes ondulations: c'est la source sulfureuse!

 

Le bâtiment de la source en 2023. P.M.

En 2016, Patricia Le Garf avait réalisé une petite vidéo dont j'ai extrait les images qui suivent:

 

 

 

Cette source d'eau sulfurée est, sans doute,la seule de Haute Saône avec le puits de Creveney situé entre Vesoul et Luxeuil là où l'on extrayait du schiste bitumineux pour produire de l'essence.  Le Maire de Neuvelle me précise que l'eau n'est pas une eau chaude comme on pourrait le penser, elle est même un peu fraîche! Au goût, l'âcreté de l'hydrogène sulfuré que l'on sent dans l'air à proximité n'est que peu perceptible. Les habitants venaient s'y approvisionner pour la boire car elle soigne les maladies de peau et les maladies repiratoires. Monsieur Lucant, dont la proriété se trouve à proximité, m'indique qu'il voyait passer une dame du village qui allait chercher ses deux litres d'eau hebdomadaires. Ancien propriétaire d'un restaurant repris par son fils, ce neuvellois retraité qui a vécu aux Antilles, l'a appelé: La Sulfu .

 

 

Le ruisseau de la fontaine des Marauds

 

Vue sur le village depuis la rive droite du ruisseau.

 

En bordure du ruisseau, des silhouettes animales découpées dans du métal ( hérons, truites...)

 

A proximité du pont, le blason du village élaboré sur les indications d'un historien héraldiste. Patrick le Garf explique qu'il représente le K DU mot Karitas ( "Grâce" en grec ancien) se rapportant à l'abbaye de la Charité et de deux hallebardes. A l'origine c'étaient des armes de guerre qui servirent d'instruments agricoles utilisés par des hommes d'armes pour couper les arbres et défricher les environs...
L'abbaye cistercienne de La Charité:
Situé entre Neuvelle et le Pont de Planches, le site de l'abbbaye comporte encore les bâtiments des communs, une ferme et une glacière ainsi que des canaux de drainage et d'irrigation. Elle fut construite à l'initiative conjointe de Poncette Adélïde de Traves  (1093-1156) et de l'archevêque de Besançon Anséric, par les moines de l'abbaye de Bellevaux. Elle eut un développement industriel important aux XIIe et XIIIe siècle en faisant fonctionner deux forges. Détruite en partie par les troupes de Louis XI en1477, à nouveau en 1569 lors des guerres de religion, une nouvelle fois lors de la Guerre de 10 ans (1634-1644),  elle est vendue à la Révolution, en1791, comme bien national. Les bâtiments conventuels seront démolis. Un château sera reconstruit à  leur emplacement au cours du XVIII e siècle.

 

L'abbaye. Cadastre 1838. AD70

 

 

 

Le château érigé à l'emplacement de l'abbaye.

La chapelle

Des arbres séculaires...

 

La grange cistercienne de Fontaine Robert:
Chaque abbaye cisterciennne possédait une ou plusieurs granges situées au maximum à une journée de marche. L'une des granges rattachées à l'abbaye de Neuvelle, sur le territoire communal, était celle de Fontaine Robert.

La Grange était composée de deux bâtiments agricoles , comme celle du Pré Chapelot à Soing.

 

La grange de Fontaine Robert. Cadastre.AD70

Les granges évoluent vers de véritables entreprises commerciales.

Les règles initiales concernant les granges. Ref: Books. Open edition.

Les frères convers qui travaillent dans les granges ne sont pas des moines. Ils sont considérés comme laïcs par le droit canon. Ils servent Dieu par leur travail manuel. Issus de familles pauvres, ils sont généralement illettrés et ne sont pas soumis à tous les rites de la vie monacale.
Ils portent un habit et un scapulaire brun qui les distingue des moines avec leur tenue blanche et un scapulaire noir.

 

Frère convers au travail. Enluminure.

Ce modeste exposé ne saurait être une monographie complète de la Neuvelle lès la Charité, ce village au riche passé qui compta jusqu'à 732 "âmes" en 1881 et dont la population a diminué au cours des années pour atteindre 224 habitants en 2020. Nous pourrions évoquer l'église dont l'autel est une pierre tombale, un arbre remarquable en cours de classement, la fontaine abreuvoir, les familles Hezard et Couyba... Je me limiterai à présenter, en guise de conclusion, quelques documents d'archives et, en particulier, des cartes postales anciennes:

 

 

 

 

Croquis du projet de la façade de l'église en 1760

 

 

 

 

 

 

Terminons par une énigme posée par cette carte postale sans doute postée à Neuvelle:

 

 

Madeleine Leblanc et Albertine Fix...ces noms vous disent-ils quelquechose?

Patrick Mathie 23.04.2023
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