A Igny: le dernier chaisier de Franche Comté et le souvenir d'un mathématicien qui a infulencé Picasso et le cubisme.

A Igny, j'ai d'abord fait une belle rencontre avec Jean Marie Pongan, le dernier chaisier de Franche Comté; ensuite j'ai appris que Maurice Princet  "mathématicien du cubisme" ayant influencé Picasso, y était né et décédé.

1-Jean Marie Pongan, chaisier.

Comme son nom ne l'indique pas forcément, Jean Marie Pongan descend d'une famille italienne  des Dolomites. Il représente la cinquième génération de chaisiers qui, on le verra plus loin, étaient des artisans ambulants fabricants de chaises chez l'habitant, dans les villages du nord de l'Italie et de la région de l'Isère en France.  La matière première, le bois, était trouvée dans les réserves de bois des clients et ils transportaient avec eux leurs propres outils et apportaient leur savoir faire et leur dextérité.

France 3 Franche Comté a consacré un reportage télévisé à cet artisan qui pratique une activité peu commune, les chaises étant faites maintenant de manière industrielle.

Possédant  des chaises dont le cannage était à l'agonie je me suis rendu dans son atelier et j'en ai profité- avec son accord- pour faire un petit reportage photographique...

Monsieur Pongan m'a expliqué son travail et m'a parlé de son apprentissage de trois ans aux côtés de son père à qui il a succédé dans l'atelier familial.

Planage d'un barreau de chaise sur le "banc d'âne"(au XVIIIe siècle on trouve la locution "Banc à dos d'âne", on parle aussi de "chèvre").

Les barreaux de chaises en frêne sont marqués de manière différentes suivant leur futur emplacement sur le devant, à l'arrière ou sur les côtés . Ils servent à maintenir l'écartement des pieds  et assurent ainsi l'assise de l'ensemble.

Le vitrage de l'atelier encadre artistement la vue sur le clocher de l'église dont le cadran donne l'heure à l'artisan au travail, tandis que les ciseaux à bois, bien rangés attendent sagement leur tour d'être pris en main et de mordre dans le bois, guidés par des doigts experts.

Les gabarits permettant de donner leur galbe aux pieds et aux dossiers de chaises sont à portée de main.

C'est par la main que passe tout le savoir faire de l'artisan que Jean Marie applique ici au cannage d'une chaise.

"Les fibres de cannage ( canne de rotin) qui servent pour les diagonales ne doivent pas être humidifiées, me dit Jean Marie, car on aurait trop de difficultés à les faire passer entre les autres!"

"Le cannage à la française (c'est son nom) est composé de six brins, deux verticales (l'ourdissure), deux horizontales (la monture), deux diagonales (la garniture), d'où son nom cannage à six brins. Il faut ajouter un brin (le recouvrement) qui sert à masquer les trous nécessaires au cannage manuel".

Les commandes sont prêtes ( créations ou réparations).

Le paillage d'une chaise. Doc FR3 BFC

Si la canne de rotin provient d'Asie du sud est, la paille de seigle, elle, vient du centre de la France ou des environs.

Les modèles proposés par Jean Marie Pagan sont présentés dans une pièce contiguë à l'atelier.

Les planches de frêne sèchent lentement, pendant plusieurs années, à l'air ambiant ce qui confère au bois  une robustesse et un grain particulier que ne pourrait pas lui donner un étuvage de quelques heures  . Un problème cependant: les frênes sont atteints de maladie. Jean Marie pense que dans une dizaine d'années cette essence de bois ne pourra plus être utilisée en menuiserie.

L'atelier; deux machines à bois, des gabarits, des outils à main,... peu de choses en fait, mais tout est dans la maîtrise gestuelle de l'artisan!

Un  grand merci à Monsieur Pongan pour le temps qu'il a bien voulu m'accorder lors de ma venue. La qualité de son travail est à souligner ainsi que la passion qui l'anime! Je reviendrai avec plaisir pour récupérer mes chaises rénovées!

De retour à mon domicile je me suis documenté sur le métier de chaisier ambulant qui est né dans les Dolomites et  s'est développé autrefois en France. L'industrie a remplacé l'artisanat et il sont peu aujourd'hui à perpétuer, comme Jean Marie, les gestes ancestraux des chaisiers d'autrefois.

Les chaisiers ambulants

J'ai trouvé ce document très intéressant qui décrit bien le travail et l'existence des chaisiers nomades. La page complète est déclinée en plusieurs parties pour rendre la lecture possible:

Chaisiers ambulants à vélo vers 1950

Marcon, chaisier à l'Isle d'Abeau.1930

Référence du document :https://www.italienordisere.com/

Sirio Pongan

"Descendant d'une lignée de chaisiers italiens nomades, originaires de Voltago Agordino, qui venaient proposer leurs services jusqu'en France, Sirio Pongan est sans doute parmi l'un des derniers chaisiers à pratiquer cet art du siège traditionnel ( chaise, tabouret, fauteuil) fait à la main, avec plane et banc ç planer. Des outils aussi rudimentaires qu'efficaces, pour des réalisations dignes des meilleurs ouvriers pratiquant cet art oublié".  ref: Le Loisir créatif.2016

Sirio Pongan est décédé à Quincy (18) en février 2021.

En guise de conclusion: La Barelina!

Barellina

La petite histoire de la barelina:

La barelina, petite chaise des chaisiers ambulants, faisait partie de l'outillage des conza Agordino  (région des Dolomites en Italie) .
Comme pour la caora, le futur chaisier devait savoir se fabriquer sa petite chaise, très utile dans son activité à rempailler les chaises ou sur l'épaule comme modèle.
Dés le matin, les jeunes apprentis (gaburi) partaient à la recherche de travail, la barelina sur l'épaule, elle servait de modèle pour le type de paillage et la forme de la chaise.
Chaque chaisier créait sa propre forme de barelina, celle que vous avez, est la réplique exacte du conza Ico Fontana, mon père.

Du scapelament del conza : le parlé des chaisiers ambulants

Barelina= petite chaise
Caora= en Français : la chévre, sorte d'établi portatif (banc d'âne)
Gaburi= jeunes apprentis
Conza= le chaisier
Agordino=région des dolomites, Italie du nord

Ref:http://paietafontana.free.fr/

Patrick Mathie 08 mars 2022

(à suivre)