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Association " Les Amis de nos Vieux Villages Haut Saonois". Recherche et communication sur le Patrimoine des villages de Haute Saône

Jeanne Baptiste MAIRE DUCHON, la millionnaire de Bucey les Gy et sa famille sous le regard de François Lassus Universitaire Franc Comtois.

A la fin du  précédent article consacré à une millionnaire du 19 ème siècle reposant à Bucey les Gy, j'indiquais que j'avais bon espoir de compléter les informations données,  par des documents émanant d'un universitaire... C'est aujourd'hui chose faite grâce à...
Monsieur François Lassus  
Docteur en histoire, ingénieur à l'université de Franche Comté, Institut d'Etudes comtoises et jurassiennes..  
...dont l'Est Républicain de 2018 rappelait le travail consacré aux recherches sur l'hôtel de Falletans à Besançon ayant appartenu au père de Jeanne Baptiste Maire, épouse Duchon, puis à elle même, au décès de son géniteur.
Par l'intermédiaire d'Evelyne JOLY, notre vice Présidente, j'ai pu entrer en contact épistolaire avec Monsieur Lassus qui a bien voulu me transmettre deux documents importants, l'un directement en relation avec la famille et l'autre qui constitue sa thèse de Doctorat sur une famille de maîtres de forges: la famille Rochet. Il m'a donné l'autorisation d'utiliser  ses documents dans le cadre du blog de notre association, ce dont je le remercie vivement.

C'est de l'article de l'Est Républicain que part le fil d'Ariane qui nous conduit aux familles Maire- Duchon dont le caveau  abrite les tombes de Jeanne Baptiste et de ses parents sous l'imposante chapelle érigée en bordure du cimetière du village.Il passe par François Lassus qui a été conduit à étudier l'hôtel de Falletans, alors en restauration à Besançon. L'historien, tout d'abord accueilli fraîchement sur le chantier, a pu ensuite établir un contact de confiance avec le nouveau propriétaire Monsieur Nuss qui lui a fourni les .informations qu'il possédait. Les travaux d'investigation  de François Lassus lui ont permis de rédiger un Mémoire de 50 pages qui rappelle l'histoire du bâtiment et de ses occupants. 

Je communique ici  quelques les pages qui, à mon sens, sont les plus parlantes par rapport à notre sujet d'étude:

 

 

 

 

On voit que le père de Jeanne Baptiste, jean Claude Maire, avait fait fortune dans le commerce du fer. Son hôtel particulier de Besançon l'hôtel Falletans lui servait également d'entrepôt . Dans le passage étroit il avait fait placer au sol un chemin de roulement en planches de chêne afin que le bruit des roues ferrées  des chariots n'importune pas les voisins. Son gendre, Jean Joseph Duchon a dû collaborer avec lui pour développer son activité de négociant, mais peut être ( et c'est la théorie de François Lassus) a-t-il "dépassé" son beau père en s'associant avec des maîtres de Forges et en partageant avec eux les bénéfices de la vente de fonte et de fer. François Lassus m'a confirmé qu'il était propriétaire ( entre autre) de la forge de Drambon en Côte d'Or, là où il est décédé en 1826.

Cadastre Napoléonien de 1825. Drambon. AD21

Acte de décès de Jean Joseph DUCHON. Drambon 21. Etat civil. AD de Côte d'Or

Sa profession déclarée  est Maître de Forges.

 

Jeanne Baptiste, que certains voulaient faire passer pour pingre, était en fait très investie dans les oeuvres caritatives bisontines puisque François Lassus a relevé qu'elle donnait autant, à elle seule que toutes les autres femmes fortunées de la ville!

Elle était propriétaire de plusieurs maisons de maîtres dans la ville, qu'elle pouvait  entretenir sans problème puisque sa fortune pouvait être estimée à un million de francs de l'époque.

1 franc de 1850= 3,27 euros. Une simple multiplication nous indique que la valeur de ses avoirs financiers, mobiliers et immobiliers se montait à plus de 3 millions d'euros actuels!

 

Acte de décès de Jeanne Baptiste Duchon .Etat civil Besançon. Elle habite rue du Chateur,ancien nom de la rue des Granges.

Côté succession c'est un cousin qui hérite de l'hôtel Falletans qui sera occupé par son fils Alfred . Celui ci deviendra Président de la Cour de Besançon. Les soeurs de la Charité recevront 24 000 francs!

Les DUCHON , maîtres de forges faisaient ils partie de la société d'entr'aide "des bons charbonniers" proche de la franc maçonnerie?

Dans son étude, en page 6, à propos des paraphes, François Lassus souligne que la signature de Jean Claude Maire est barrée par deux traits parallèles encadrant trois points alignés, symbole de l'appartenance à cette confrérie à laquelle les maîtres de forge adhéraient. Cette société, en Italie, s'appelait les carbonari.

LES BONS COUSINS CHARBONNIERS

 

Tabatière de Bon Cousin Charbonnier datée 1835

"En corne gravée, dotée de deux couvercles, elle porte le nom du fabricant « MERLE FABRICANT A CHAUSSIN JURAS 1835 » (arrondissement de Dole), et le nom de son propriétaire, « ML. DUNOYER DE SERIN 1835 ». Sur l’un des couvercles, décor d’un autel agrémenté de deux globes terrestres et d’une sphère armillaire, entourés de différents symboles (soleil, lune, compas et équerre, échelle, ouroboros, marteau).

Sur l’autre couvercle, emblèmes de charbonniers et instruments de la Passion du Christ : meule de charbon, cabane, outils (râteau, pelle, hache), coq du reniement sur une colonne et les initiales :
B.C.C. = bons cousins charbonniers
H.V.P. = mot de maître et d’ordre (Honneur/Vertu/Probité)
R.F.O. = vraisemblablement mot de passe
F.E.C. = mot d’apprenti (Foi/Espérance/Charité)

Au revers de la tabatière, une scène gravée représente Napoléon Ier faisant son entrée dans une salle où sont réunis des militaires. Une légende souligne sa grandeur et son pouvoir. Sur un des côtés est représentée la colonne Vendôme avec la statue de Napoléon en caporal".

Qui sont les "bons cousins charbonniers" dits carbonari ?

Diplôme de "bon cousin charbonnier"

"Le nom de carbonari aurait d’abord été appliqué à des conspirateurs guelfes qui se réunissaient dans des cabanes de charbonniers.
L’interdiction de toute opposition politique par la Restauration suscita, en France mais aussi en Europe, la floraison entre 1815 et 1830 de sociétés secrètes à vocation explicitement politique préparant dans la clandestinité le renversement de la tyrannie.

Précédée par les Illuminés de Bavière (1776-1785), par les bons cousins charbonniers de Franche-Comté à la fin du XVIIIe siècle, par les carbonari italiens à partir de 1810, par l’Union de Joseph Rey à partir de 1816, enfin par la loge maçonnique des Amis de la liberté créée en 1820, le puissant mouvement de la charbonnerie française organisa en 1822 une impressionnante série de conspirations militaires.

Le carbonarisme trouva en France, pendant la Restauration de nombreux adeptes parmi les anciens militaires et dans les classes moyennes. On y compta jusqu’à 40 000 membres. La Révolution était vaincue mais n’était pas morte. Les lieux de réunion s’appelaient baraques ; le vocabulaire était emprunté aux termes techniques du métier de charbonnier ; on n’écrivait rien et une discipline sévère régissait l’ensemble de l’organisation.

Bazard, propagateur du saint-simonisme, fut l’âme de cette association secrète, dont le général La Fayette était le chef nominal.
Après 1830, les carbonari se fondirent dans les diverses sociétés secrètes républicaines. Le peintre Horace Vernet, le banquier et homme politique Jacques Lafitte, le philosophe Victor Cousin et bien d’autres personnages célèbres furent des adeptes du carbonarisme, témoignant de l’attachement du peuple français aux principes de la Révolution".

Réf. Dictionnaire Larousse. RECUEIL PRÉCIEUX DE LA CHARBONNERIE DES PREMIERS TEMPS ou LA SOCIÉTÉ DES FRANCS-CHARBONNIERS, RENDUE à sa primitive Institution, et à son ancienne Observance. Fait au sein de la Tranquillité, dans l’asile de la Bienfaisance, L’an de la vraie lumière de la Charbonnerie.

Résultat de recherche d'images pour "maitres de forges19ème siècle""

 

François Lassus a mis également à notre disposition sa thèse de 3ème cycle d'histoire sociale soutenue en 1980. C'est un document  de plus de 400 pages qui porte sur l'étude sociale d'une famille de maîtres de forges et d'ouvriers forgerons: Les ROCHET.

Il se trouve que la grand mère de Joseph DUCHON est Anne ROCHET fille de Jean François et d'Anne NORMAND, soeur du maître de forges d'Audincourt à qui l'on doit la maison Couyba à Dampierre sur Salon et les bâtiments des forges de Baignes.

 

EXTRAITS:

"...A Besançon, en effet, des Rochet étaient installés depuis au moins le milieu du XVIe siècle, et certainement même auparavant comme en témoigne la notabilité des membres qui apparaissent alors : l’un de ces Rochet n’était-il pas élu parmi « les 18 » dès 1575 15 ? Un de ses parents s’était alors fixé à Genève, où il exerce dès 1573 l’état de fourbisseur d’armes 16 ; la postérité de ces personnages et d’autres est nombreuse dans la cité dès le début du XVIIe siècle, et peut-être y eut-il plusieurs branches d’origines différentes ? L’une d’elle a donné une lignée de marchands et banquiers, anoblis au début du XVIIIe siècle par Louis XIV 17 et qui prit le nom d’une seigneurie qu’ils avaient acquise vers 1705 à Frasne-le-Châtel ; le dernier rejeton de cette branche, qui avait donné par ailleurs plusieurs chanoines bisontins, a occupé l’office d’avocat général au parlement de Besançon . D’autres branches de Rochet bisontins ont donné nombre d’artisans (notamment des peintres et des tanneurs) et une lignée de libraires-imprimeurs dans la cité 19. Les Rochet étaient également installés dès le XVIIe siècle dans le banlieue bisontine, à Fontain ; leur postérité subsiste encore actuellement, notamment à Dole..."

"...  Les améliorations qui seront apportées par les maîtres de forges du XIXe siècle ont essentiellement porté sur l’amélioration de la soufflerie en vue de freiner le gaspillage de l’énergie et d’économiser un bois de plus en plus rare 43. Le personnel du fourneau est relativement réduit : un maître fondeur, un ou deux gardes, qui surveillent la marche du fourneau entre les coulages, deux chargeurs, un livreur de charbon ... Les derniers ne sont que des manoeuvres aux ordres des gardes, mais de leur régularité dépend le bon fonctionnement de l’ensemble. Aucune relation entre les ouvriers du fourneau et ceux de la forge, dont les opérations sont entièrement distinctes ; les installations peuvent d’ailleurs se trouver, et c’est souvent le cas, dans des usines différentes sans autre lien que commercial entre elles. La méthode comtoise d’affinage des fontes est, parmi les méthodes traditionnelles, celle qui est la plus répandue en France au milieu du XIXe siècle. Cette extension semble souvent ancienne, remontant au moins au XVIIe siècle, et semble s’être développée dans cette région — si elle n’y est pas née — dès le XVIe siècle..."

Extrait de la conclusion de François Lassus:

"...Pendant plus d’un siècle, jusqu’au début du XIXe siècle, les Rochet ont donc évolué socialement au fur et à mesure que leurs activités sidérurgiques leur procurait la richesse ou l’aisance, la ruine ou la médiocrité, pour les maîtres de forges, ou encore la misère plus ou moins profonde qui est le lot des ouvriers au fur et à mesure que l’industrie sidérurgique se concentre et gonfle son potentiel et ses effectifs. Vers 1840, le groupe a complètement éclaté et il n’est plus possible d’évoquer un ensemble familial (même dispersé) comme nous avons pu le faire pour le siècle précédent, d’autant plus que le nom même a tendance à disparaître alors (il n’est plus représenté dès 1865 que par cinq individus mâles, dont un seul laisse des garçons ; mais sans doute d’autres personnages apparaîtraient-ils sans les lacunes que nous avons signalées dans le monde ouvrier). Des différents descendants qui nous sont connus par la suite ne le sont qu’au hasard de rencontres fortuites avec certains d’entre eux actuellement vivants ou par leur appartenance à d’autres groupes familiaux, étudiés par d’autres chercheurs ou figurant dans des généalogies publiées. Beaucoup de ceux avec lesquels nous avons été en contact ignoraient, sinon l’existence de cette famille, au moins son origine et les grandes lignes de son histoire et le plus souvent n’en connaissaient que quelques personnages isolés. Les généalogies conservées au XXe siècle, parfois établies depuis peu, témoignent de la dissolution des différentes entités sociales que la famille a pu constituer. Grands bourgeois du XVIIIe siècle, les Rochet maîtres de forges ont disparu de la scène sociale en même temps que l’empire économique qu’ils avaient essayé de constituer ; simples ouvriers, ils ne sont pas sortis de l’ombre où ils sont restés sans que nous ayons pu les en tirer. Aux antipodes de la hiérarchie sociale, les Rochet maîtres de forges et les Rochet ouvriers ont été sans doute les premiers à oublier réciproquement leur commune origine, rapidement gommée par l’appartenance à deux mondes opposés...".
 

Encore merci à Francois LASSUS !

Pour celles et ceux qui souhaitent en savoir plus sur la famille DUCHON et ses possessions de Besançon, sur la saga des ROCHET et  la sidérurgie franc comtoise:
Transmettez moi vos demandes par mail:

                                           patrick.mathie@orange.fr

Je vous ferai parvenir, par mail, la copie intégrale des deux documents ou de celui dont vous souhaitez privilégier la lecture.

 

Patrick Mathie 19.11.2019

 

 

 

 

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E
super comme d'habitude. Bravo aux deux auteurs. Quelle famille !
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