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Association " Les Amis de nos Vieux Villages Haut Saonois". Recherche et communication sur le Patrimoine des villages de Haute Saône

QUAND LES TUILES ETAIENT ENCORE FAITES A LA MAIN,PAR DES COMPAGNONS

En voyant une photo du palais de justice de Vesoul sur la page facebook "  Vesoul et alentours..." de Jacques Claude ROBERT je me suis souvenu que je possédais deux tuiles anciennes qui avaient été gravées par les compagnons qui les 'avaient réalisées. L'une portait l'inscription "Palais de Justice" avec une inversion du "J "... je les ai retrouvées l'une et l'autre!

Les tuiles provenant de chantiers de démolition en Haute Saône, on peut penser qu'il s'agit d'une reproduction du palais de justice de Vesoul, bien que l'original ne ressemble pas tout à fait à la copie! La forme des fenêtres de l'étage et de celles du rez de chaussée est inversée... le souvenir du mouleur qui ne devait pas aller souvent à la ville, n'était sans doute pas très précis!

CPA

Le dessin et l'inscription étant en relief et non en creux "l'illustrateur" a dû graver son texte  à l'envers, sur le fond du moule en bois, ce que peut confirmer l'erreur du J inversé.

Le compagnon a également laissé sa marque: deux cercles concentriques avec des inscriptions illisibles: Vv...ESC...?

A l'arrière de la tuile, un ergot permet de l'accrocher sur les tasseaux de bois fixés perpendiculairement aux chevrons.

La deuxième tuile est plus explicite sur l'identité de son concepteur puisque, outre une représentation du compagnon, elle comporte son nom, son prénom et une date...approximative:

 

 

 GUILLEREY Louis a "signé son ouvrage; la date pourrait être 1884?!

Il existe de nombreuses personnes qui portent ce patronyme en Haute Saône dont beaucoup à Lomont.  ( Il existait une poterie (tuilerie?) à 6 km environ, au Magny d'Anigon...)

Les attributs du personnage: chapeau, pipe, écharpes et canne font penser aux compagnons du devoir.

Les Compagnons:

La canne était un symbole de l'appartenance du compagnon à une confrérie, elle permettait de porter le balluchon sur l'épaule, mais c'était aussi une arme de défense lors des rixes entre les "dévorants" qui appartenaient soit au"Devoir de liberté" soit au "Saint Devoir de Dieu":

Lorsqu'ils se rencontraient ils se disaient rarement des amabilités et réglaient leurs comptes à coup de bâtons! Mort pouvait s'en suivre! ( un feuilleton télévisé "Adéchois Coeur Fidèle" avait eu son heure de gloire il y a...un certain temps déjà !)

Les tuileries en Haute Saône:

 

 

Les nombreuses tuileries de haute Saône se sont établies là où l'on trouvait la matière première: l'argile.

"Au milieu du XIXème siècle, Passavant-la-Rochère a rassemblé un nombre important d’activités industrielles.

C’était l’une des communes les plus industrialisées de l’Est de la France. En effet, cela s’expliquait en particulier par la richesse du sous-sol de ce site. Le sol renfermait des richesses minérales notamment du grès et de l’argile mais aussi du fer et de l’argent. Passavant-la-Rochère comptabilisait une forge, sept tuileries, deux verreries, deux moulins, une mine d’argent et enfin des carrières.

La fabrication de briques et de tuiles était la principale source de développement de Passavant.

Parmis les tuileries, il y avait:

  • la tuilerie de Mr AUDON Théodore, une des usines la plus ancienne installée droite de la tuilerie PRUDHON en 1861, à la jonction des deux ruisseaux. Cela lui assurait une force motrice économique obtenue par turbine dont la force était de trente chevaux. Elle devint la tuilerie Calvié et Compagnieen 1918. A cette date, elle employait près de 90 ouvriers. La tuilerie ferma en 1934.

  • la tuilerie des Forges remplaça les forges à partir de 1848. Les propriétaires se succédèrent : les Fouillot, Fouillot-Mercier, Boileau-Mercier. Cette tuilerie était une vaste et belle construction sur le ruisseau de la Rochère, derrière le viaduc. Elle occupait de 35 à 40 ouvriers. Sa destruction remonte aux années 80.

  • la tuilerie de Bourgogne qui se dressait près de la gare, fondée en 1870 sous le nom de tuilerie du Rougeot. Elle devint tuilerie Munier en 1903 puis fut acquise en 1914 par la société des Grandes Tuileries de Bougogne installée à Montchanin en Saône et Loire.

  • la tuilerie AUDON Alfred située près du cimetière à gauche du chemin de la Nava.

  • la tuilerie de la Nava: elle était la propriété de la famille Boileau-Mercier en 1901 et fonctionna jusqu'à la deuxième guerre mondiale (1939).

  • la tuilerie Pourchot: installée dans le quartier de la Côte, elle fût la dernière tuilerie à cesser son activité en 1984.

  • la tuilerie Prudhon installée en 1791 par François Sébastien PRUDHON au centre du village entre la Côte et Passavant. Plusieurs propriétaires se succédèrent : Philippe PRUDHON en 1807, Sébastien PRUDHON et GUILLÉ en 1829 et enfin Dominique PRUDHON en 1854."

 
Aujourd'hui, il ne reste plus que des vestiges de ces anciennes tuileries. La tuilerie de Bourgogne dite aussi tuilerie de Montchanin a été restaurée en salle des fêtes. La commune a conservé le bâtiment principal ainsi que la cheminée". 
La fabrication des tuiles:

La description de la fabrication des tuiles à l'ancienne est très bien détaillée sur le site:  https://www.jschweitzer.fr/m%C3%A9tiers-anciens/tuiliers/  consacré aux Métiers Anciens dans l'Aube, la transposition peut être faite en Haute Saône, hormis les indications chiffrées:

"

Les tuileries s’étaient installées là où se trouvait l’argile. Utilisée depuis plusieurs millénaires pour ses qualités, l’argile est un produit naturel. Dans l’Aube, l’argile est largement répandue dans notre sous-sol : à Saint-Phal, à La Vendue-Mignot, Fouchères, Mesnil-Saint-Père, Amance, Brevonnes, du côté de Chessy…

Parfois, il y avait une douzaine de tuileries groupées sur le territoire d’une même commune. Quelle que soit cette argile et qu’on veuille l’employer pour en faire des tuiles, des briques ou des carreaux de sol, on l’attaque sur les buttes ou bien on creuse tout simplement où elle est.

Les tuileries sont disparu, mais les terriers ou leur emplacement demeurent : vastes entailles dans une colline ou bien encore trous d’eau actuellement garnis de roseaux ; ça et là subsistent encore quelques fours de l’ancien temps, mais ils sont éteints, concurrencés par de modernes usines automatiques, comme la société de la tuilerie mécanique de Saint-Parres-les-Vaudes qui a fait édifier une usine après la première guerre mondiale. Vers 1955, 33.000 tonnes de briques creuses et de tuiles mécaniques y sont produites. En 1968, un four tunnel pouvant produire 5.000 tonnes par jour est installé. Depuis 1989, une activité de production d'enrobé a succédé à celle de tuiles et de briques. 140 ouvriers vers 1955, une cinquantaine vers 1985.

Il ne reste que quelques vieux tuiliers à la mode ancienne, qui connaissent le métier tel qu’il était pratiqué encore au XVIII° siècle. Ils disent que c’était un métier pénible, mais qui permettait d’obtenir des tuiles sonores et de qualité indiscutable.Résumons ce qu’ils nous en ont raconté.

Le matériau essentiel est l’argile, cette glaise bleue, grise, jaune ou rouge, suivant les terres. L’argile est émiettée, puis entassée. Elle subit l’influence des intempéries : pluie, neige, et surtout gel et dégel, qui l’affinent, la rendent plus onctueuse, plus plastique. Quand vient la saison du moulage, la terre est reprise, chargée dans un tombereau, et amenée à l’atelier, dans une fosse où elle trempe 2 ou 3 jours. La terre est ensuite extraite de cette fosse à l’aide d’une pelle en bois de hêtre (sur laquelle l’argile ne colle pas), et lancée sur une aire carrelée, d’un niveau plus bas que le sol, où elle se ressuie. Cette opération répétée plusieurs fois, l’argile bien malaxée est enfin prête à l’emploi. Elle est reprise une dernière fois et montée sur une sorte de table. Autrefois, la terre était piétinée, foulée aux pieds par des ouvriers appelés « marcheurs de terre ». Lemouleur se tient derrière une sorte de table avec la glaise à sa droite et, à sa gauche, du sable fin. Devant lui, il pose un moule (un cadre de bois), aux dimensions et à la forme de la tuile ou de la brique que l’on désire. Il peut passer par les mains du mouleur, 2 à 3.000 tuiles par journée de 13 à 14 heures.

 

Le porteur est un gamin d’une douzaine d’années ou moins, souffre-douleur des autres ouvriers qui déchargent sur lui l’excès de leur fatigue. Il doit passer journellement 2 à 3.000 tuiles, et les bien poser car malheur à lui s’il en déforme ou laisse tomber une ou s’il arrive en retard pour desservir le mouleur qui, aux pièces et gagnant peu malgré ses longues journées, ne tolère aucune perte ! Infortuné porteur qui, toujours courant, doit parcourir chaque jour entre 10 et 40 kilomètres, ses 4 palettes aux mains, sans un instant de repos. Et surtout, qu’il ne s’avise pas de quitter un si dur travail pour rentrer dans sa famille, « le malheureux serait ramené à coups de trique par son père, peu enclin à perdre les gages du gamin : 5 à 10 francs par mois ». Les tuiles sont ensuite posées sur l’aire de séchage, dehors s’il fait beau, s’il pleut, sous un grand hangar. Quand il fait beau, le séchage ne dure guère plus de 3 heures. Dès qu’elles peuvent être manipulées sans déformation, les tuiles sont mises en tas. Elles sont ensuite « rebattues » sur un bloc de bois légèrement bombé, à la courbure exacte qu’elles doivent prendre. Avant d’être livrée à la vente, une tuile passe 35 fois par les mains de l’ouvrier.

Après avoir complété leur séchage, les tuiles sont bonnes pour la cuisson. Le four, carré, vertical, est de structure identique à ceux qu’employaient les Romains. Les produits sont empilés dans une chambre de cuisson en tas compacts entre lesquels sont ménagés de légers intervalles permettant le passage des flammes et des gaz de cuisson. La porte servant à l’approvisionnement est alors maçonnée avec un mur de briques sèches. L’enfournement terminé, il faut échauffer cette masse d’environ 80 tonnes. On commence donc par allumer à la gueule du four, de petits feux de gros bois qu’on entretient pendant 4 jours et 4 nuits en les augmentant progressivement. Le patron juge du moment où la cuisson est parfaite, l’opération se terminant par un coup de feu qui porte la température du four à 1.000 ou 1.200 degrés, afin d’obtenir des tuiles cuites « bien à cœur » et de qualité parfaite.

 

En principe, le 11 novembre marque la fin de la campagne (on craint en effet la gelée pour les tuiles qui ne sont pas tout à fait sèches). Cela semble expliquer que Saint-Martin, dont la fête tombe ce jour, ait été choisi pour être le patron des tuiliers. Cette fête ne marque pas la fin de la saison puisqu’ils travaillent sans interruption du 1er janvier à la Saint-Sylvestre, sauf quand le gel est tel que la terre ne peut être apportée à l’usine.

Dès 1900, des progrès sont recherchés dans les procédés de fabrication, et des machines commencent à remplacer l’homme. Les tuileries qui ne changent pas leurs méthodes disparaissent. En dehors de ces progrès, le reste de la fabrication reste le même, mais c’était toujours un travail très pénible, et il était de plus en plus difficile de trouver des ouvriers, c’est pourquoi cette industrie qui utilisait les fours anciens a disparu, ce qui est regrettable, car elle donnait des produits de qualité inégalée par les usines modernes."

 

En remontant dans le temps: Le four à tuiles de Jonvelle.
Le four à tuile : une aubaine pour la recherche archéologique...

"Découvert l’année derrière (1991) dans le pré de M. Hoyet, en bordure de la Saône, à quelque 300 mètres de la célèbre mosaïque, ce nouveau site tient toutes les promesses auxquelles on s’attendait.

L'équipe du jeune chercheur Fabrice Charlier, procède au démontage de toute la partie inférieure du four qui était capable de cuire en une semaine de chauffe quelque 10.000 tuiles, dix fois par an. Ces travaux entrent dans le cadre de la thèse que M. Charlier s'apprête à soutenir sur la production de la tuile et des poteries en Franche-Comté dans l'antiquité (du I au IVe siècle après JC) sous le direction scientifique du " Service régional d’archéologie de Franche-Comté >>. Il est pour cela secondé par quelques étudiants en sciences, histoire et archéologie de la région...

four à tuiles Romain

' Pour l’immédiat, il poursuit un double objectif. Tout d’abord, tenter d’établir le rapport de cette nouvelle découverte avec ce que l'on connaît dans ce site depuis 25 ans : la ' villa, le village, pour en avoir une vue d'ensemble plus précise notamment chronologique. Mais surtout, M. Charlîer veut profiter du fait extrêmement rare que l'on dispose ici d’une quantité extraordinaire de tuiles entières, permettant une étude statistique irremplaçable.

Ces observations doivent intéresser d’autres archéologues, Ainsi, les marques de tâcherons permettant d’identifier le fabricant, les moules, les technologies, les structures de cuisson, les éven tuels mouvements commerciaux pour ces tuiles à l’époque de leur production. Depuis 1e début de l’été, l’équipe fouille pour connaître parfaitement l’ensemble des structures de cuisson, composée de trois fours organisés autour d’une aire de chauffe

four3.jpg (19908 octets)

Des milliers de tuiles mesurées et fichées constituaient les murets latéraux qui de chaque côté de l’alendier (couloir principal de circulation d’air chaud) soutenaient la tôle percée supportant les matériaux à cuire. Relevées une à une, elles sont mesures au pied à coulisse, pesées, examinées en détail. Chaque tuile est fichées et ses coordonnes sont entrées dans un ordinateur. Quelques autres archéologues se lancent aussi dans cette nouvelle méthode de " mise en conserve " des connaissances sur l’identification des matériaux antiques. La confrontation de ces données devient possible dans le temps et pour différents chantiers : on établit ainsi des références d’identification des tuiles. Il s’agit là d’une démarche scientifique exceptionnelle.Tout va bientôt être terminé. Comme la zone est inondable, elle sera rebouchée. Mais les moindres détails de cette " mine " d’observation sont relevés et viennent enrichir le patrimoine local, régional et même national de notre connaissance sur la période gallo-romaine.

LE DÉROULEMEMT D'UNE CUISSON

Durant les premiers temps de la cuisson, la température est élevée progressivement de façon à éliminer, sans risque d'accident, l'eau de mélange restant de la fabrication des matériaux, ce qui s'accompagne d'un léger retrait. Vers 350° C, l'eau de constitution de l'argile commence à partir, ce qui entraîne le durcissement irréversible. Cette période est appelée le dégourdissage. A ce stade, le tuilier qui surveille constamment la cuisson grâce à des regards aménagés dans le four ferme l‘alandier avec l'aide d’une brique ou d'une dalle de pierre. Le tuilier gallo-romain n'a pas besoin de thermomètre pour suivre l'évolution de la cuisson. ll lui suffit de constater les différences de couleur pour savoir quelle température le chargement a atteint. La fermeture est nécessaire car la convection des gaz chauds est perturbée par la libération de vapeur d'eau, ce qui peut entraÏner des retours de flamme.

Vers 500º C, l’argile est totalement déshydratée et les dangers dus à la présence d’eau n'existent plus. L’alandier est donc réouvert, pour que l'on puisse charger le four en combustible de façon à produire le maximum de chaleur pendant le temps nécessaire à l’obtention du degré de cuisson désiré. La structure de l’argile, de plus en plus cuite, se modifie. Les matériaux en argile présen-tent un aspect de plus en plus " serré ",plus dense, plus sonore. Ce pallier de cuisson s'obtient vers 900º C et 1100° C et est appelé le frittage. il est imprudent d'aller au-delà de 1200°C car, à cette température, apparaissent des phénomènes de grésage qui peuvent être suivis, vers 1250°C, d'un début de fusion, voire d'une vitrification superficielle liée à la présence de quartz par exemple.

Une fois le feu éteint, on ferme l'alandier pour que le refroidissement se fasse lentement, de manière à éviter les chocs thermiques générateurs d’accidents : fractures et fêlures. Dans la chaleur confinée, des réactions chimi-ques de combustion continuent à avoir lieu : on parle de post-cuisson. Périodiquement, ie four est réparé après une cuisson. La sole est aplanie, ses soutiens sont " rechargés ", la cohésion de toute la structure est vérifiée et assurée par un lustrage des fissures et des joints."

La thèse de Doctorat en Histoire a été soutenue et validé par Fabrice Charlier en 2011 à l'Université de Franche Comté.

ref: http://jonvelle.free.fr/

Résultat de recherche d'images pour "four pour cuisson des tuiles"

Four  à tuiles du château de Guédelon.

Peut être possédez vous de telles tuiles gravées? Si oui, nous pourrions ajouter leurs photos sur ce site....

patrick.mathie@orange.fr   17 mai 2019

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C
Super reportage sur un art aussi vieux que les sapiens sapiens que nous sommes, Utilisation de l'argile séchée et cuite remonte à la nuit des temps, selon les dernières découvertes, il est question de 24 000 ans avant notre ère. A Langres un quartier se décline en "la tuilerie" en effet dans les années 50 une tuilerie fabriqua quasiment la totalité des tuiles mécaniques qui couvrent le sud du département de la Haute-Marne
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