Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Association " Les Amis de nos Vieux Villages Haut Saonois". Recherche et communication sur le Patrimoine des villages de Haute Saône

CONFERENCE DE CORNOT DU 31 MARS 2018. COMPTE RENDU

La conférence de Cornot s'articulait autour de deux axes: 
Le village de Gourgeon sur le passage des troupes coalisées contre Napoléon en 1814 et l'ancienne Forteresse d'Artaufontaine, lieu dit rattaché au village de Cornot

Elle était assurée par la section "Histoire des Villages" de l'Amicale de LAVONCOURT et organisée par l'association "Cornot Initiativ'" dans la salle communale du Touillery mise à disposition par la municipalité cornotaise.

La salle polyvalente "le Touillery" à Cornot, belle salle dans un beau cadre champêtre.

La source captée, le Touillery

L'accueil des participants et du public revenait à la Présidente de l'association "Cornot Initiativ'" Anaïs GUENOT.

Anaïs Guenot

L'association de Cornot a la particularité de comprendre tous les habitants du village et ceci sans qu'aucune cotisation ne leur soit demandée. Tout repose sur le bénévolat qui est à la base de l'organisation des nombreuses manifestations dans le village.

 

Evelyne JOLY, responsable de la section Histoire des Villages, après avoir remercié la Présidente et Madame la Maire, a présenté le contenu de l'après midi. C'était sa dernière intervention en qualité d'animatrice au sein de l 'Amicale de Lavoncourt. Sa charge de travail d'historienne n'était plus compatible avec celle d'organisatrice des manifestations de la section qu'elle a assurée avec talent pendant de très nombreuses années. 

.

NB: Le résumé qui va suivre est volontairement succinct. Il traduira plutôt l'es grandes lignes de la présentation des deux intervenants Patrick MATHIE et Frédéric LAVILLE.

 

1 GOURGEON SUR LA ROUTE DE WATERLOO

Au premier plan André Joly, lecteur, au second plan Patrick Mathie.

Le titre de la conférence est en réalité un raccourci  historique qui permet de situer le récit dans l'époque napoléonienne. Le passage des troupes de la coalition contre Napoléon par Gourgeon, sur la route impériale 19 (RN19) date de 1814 alors que la défaite napoléonienne de Waterloo a lieu un an plus tard en 1815.Mais il y a là une continuité. En 1814 on assistera à la première abdication de l'empereur, la deuxième interviendra en 1815, ce sera l'ultime revers de celui qui avait conquis l'Europe mais qui avait échoué dans son projet d'envahir l'Angleterre en 1804,  qui avait connu la retraite de Russsie en 1812 et non moins désastreuse campagne d'Allemagne en 1813.

La route impériale 19 relie Paris à Bâle

Gourgeon, sur la route impériale 19 (atlas cantonal ADHS)

"Nous sommes en 1814. Après la Bataille des Nations, après la défaite de Leipzig (16-19 octobre 1813) face à la coalition des "Hautes Puissances Alliées" contre la France.

Napoléon doit faire face dans l'Est à l'avancée des troupes coalisées.

 Les Autrichiens ayant franchi le Rhin à Bâle pénétrèrent en Franche-Comté le 25 décembre 1813. Le préfet, le baron d'Empire Jean-François HILAIRE, pris de panique en apprenant qu'un peloton de chevaux-légers marche de Ronchamp sur Lure, abandonne tout à la fois la préfecture ayant son siège en l'actuel Hôtel Henrion de Magnoncourt, rue de Mailly, ses administrés et la Haute-Saône pour se réfugier à Langres puis, se ressaisissant, revient à Vesoul.

 Le 3 janvier 1814 "treize hussards hongrois complètement ivres et se tenant à peine sur leurs chevaux pénétraient à Vesoul et neutralisaient les 250 soldats français présents", s'emparaient de la préfecture en même temps que de la Ville et arrêtaient HILAIRE (concomitamment destitué par le gouvernement impérial de ses fonctions de préfet pour abandon de poste).

Un hussard hongrois de 1814 et André Joly, lecteur en 2018...

 

 Déclaration du BARON D‘ANDLAW* LE 27 JANVIER 1814: (lu par André)

Aux Habitans de la FRANCHE-COMTE, du Département des VOSGES et de la Principauté de PORRENTRUI.

Les efforts des Hautes Puissances alliées pour conquérir une paix sûre et solide, ont conduit dans vos foyers leurs Armées victorieuses.

Etrangères à une vengeance opposée à leurs sentiments magnanimes, Elles déplorent les maux inévitables à la guerre, et désirent les alléger aux victimes innocentes d'une ambition démesurée. Ce sentiment, digne de Monarques véritablement grands, les a portés à établir pour vous un Gouvernement-général qui m'a été confié.

C'est à nous de justifier leur attente. Si de mon côté je donne tous mes soins à m'occuper de votre bien-être dans l'esprit qui les anime, il est de toute rigueur que vous y coopériez du vôtre. En conséquence je requiers toutes les Autorités judiciaires et administratives qui n'ont point abandonné leurs places, de continuer leurs fonctions. Les Hautes Puissances alliées ne font pas la guerre aux lois ; Elles veulent les maintenir pour la sûreté de vos personnes et de vos propriétés. Elles exigent que chacun se soumette aux Autorités sous la direction du Gouvernement-général, et que tranquille il attende l'issue des évènements.

Habitants des Départements de la Haute-Saône, du Doubs, du Jura, des Vosges et de la Principauté de Porrentrui, les châtiments les plus sévères tomberaient sur ceux qui s'opposeraient aux vues bienfaisantes des Monarques alliés : j'ai toute confiance que vous ne les méconnaîtrez point. Vingt années de malheur vous ont confirmé cette grande vérité, que sans justice, sans modération, rien ne peut subsister. Cette expérience, si chèrement achetée, n'aura pas été perdue pour la France.

La cause des Hautes Puissances alliées, si visiblement protégée de la Providence, est aussi la vôtre ; ce n'est pas moins à vous qu'à leurs peuples qu'Elles assureront enfin une paix si vivement désirée, et vous en bénirez les augustes Auteurs.

Vesoul, 27 Janvier 1814.

Le Gouverneur-général,

Baron d'Andlaw.

* Baron Conrad Charles Frédéric d'Andlau.-Birseck né le 23.12.1766 à Alersheim Suisse et décédé le 25.10.1839 à Freiburg Allemagne.

 

Vesoul deviendra donc pendant 6 mois la Capitale d'un ETAT créé par les nations coalisées. Il comprenait la Franche Comté, les Vosges et la Principauté suisse de Porrentruy. Il était administré par un suisse le baron d'Andlaw.

Pendant ces 6 mois plus de 1 200 000 soldats séjournèrent ou passèrent dans le secteur de Vesoul!

 

Prussiens

Pour son malheur (!) Gourgeon posséde une immense source, des prés, des champs, deux moulins... C'était un bivouac idéal pour les envahisseurs et leurs chevaux.Les réquisitions de bestiaux, de chevaux, de pain, de chariots étaient quotidiennes de même que dans les autres villages traversés par la route impériale. Exemple à Amblans dans le canton de Lure:

Par délibération du conseil municipal d'Amblans on apprend que : « Dans le courant de l’année 1814, le nombre de boeufs, tant tués dans la commune pour la nourriture des dit troupes, que perdues dans les transports de leurs effets à l’armée est de 42 boeufs, 4 vaches, neuf chevaux et 14 chariots ». Fait le 24 janvier 1815.

Autre malheur: les soldats apportaient le typhus qu'ils avaient contracté à Leipzig , de l'autre côté de la frontière. Le nombre des décès à Gourgeon -et dans les communes voisines- grimpa en flèche en 1814:

 Les décès de l'année 1812 sont de 20

                                      1813  sont de 13

                                      1814  sont de 108 civils, 7 Autrichiens, 1 Russe et 2 prisonniers Français

                                      1815  sont de 6 civils et 1 Wurtembergeois

                                        1816  sont de 6 civils

 

COMPARATIF DES DECES SUR SUR 4 VILLAGES VOISINS EN 1814

 

 

 

CORNOT

LAVIGNEY

MELIN

MALVILLERS

1812

 

12

 

 

 

1813

 

12

8

6

5

1814

 

25

21

21

21

1815

 

4

9

6

4

1816

 

3

 

 

 

 

On peut y ajouter  44 morts à CINTREY; 105 à COMBEAUFONTAINE: 23 à SEMMADON; 47 à PREIGNEY  recensés sur les registres de l'Etat Civil!

La "GRANDE HISTOIRE" de France est faite d'événements locaux qui constituent ce que l'on appelle "La petite histoire" . C'est cette dernière qui mérite d'être retrouvée et mise en valeur.

Campagne de France 1814, par Vernet.

Si donc vous passez sur la RN 19 coincés entre deux 40 tonnes" turbodiesélisés" pensez que des millions de soldats ennemis sont passés par là et qu'ils ont semé la mort dans les petits villages traversés! Merci!

 

La pause

2 LA FORTERESSE D 'ARTAUFONTAINE

Frédéric LAVILLE

Il ne reste pratiquement rien aujourd'hui de ce qui fut une forteresse importante. Sa situation stratégique entre la Comté et la Lorraine l'incluait dans un réseau de châteaux dont Jonvelle, Richecourt, Demangevelle, Amance etc... Elle défendait l'accès à deux voies de communication L'alimentation de ses douves étaient assurées par la confluence de la Solière et de la Gourgeonne au sud ouest de Cornot .Des pierres gravées de la Chapelle,et d'autres vestiges sont encore visibles dans les maisons du hameau. 

 

On peut imaginer, par les plans du cadastre napoléonien  et les descriptions faites ( 4 tours, un donjon, des douves, un pont levis, que le château pouvait ressembler à celui-ci qui se trouve à Posanges en Côte d'Or.

 

Le château, qui a été remanié est représenté sur le cadastre par un quadrilatère sous l'inscription Artoffontaine.Il devait avoir des dimensions conséquentes que l'on estime à 60mX50m et pouvait loger au moins 150 hommes d'armes et leurs valets.

 

Frédéric présente la situation du château-forteresse

Les seigneurs ses sont transmis le château et son fief soit sous forme de co-seigneurie, soit par échange avec d'autres terres. Il est passé entre plusieurs mains tout au long des siècles.

Le blason d'Artaufontaine

Blason de Jean de Beaujeu de Chaseui, seigneur d'Artaufontaine, chevalier de Saint Georges décédé en 1504.

Blason de la famille DE VERGY

Les fleurs à cinq branches sont des potentilles rampantes stylisées

 

Pendant toutes les guerres qui se sont déroulées, les villages et les châteaux ont été pillés et démantelés ( guerre de 100 ans, guerre de 30 ans dont celle de 10 ans en Franche Comté)

" En 1637 la guerre est toujours présente en Franche-Comté. Trois armées envahissent simultanément cette province : le duc Bernard de Saxe-Weimar par la Saône, le marquis de Grancey par Montbéliard et le duc de Longueville par la Bresse. Le 29 mars 1637 le duc de Longueville assiège Saint-Amour, petite ville située dans le bailliage d'Aval (1). Après un siège d'une semaine où les assiégés font preuve d'un grand courage, Saint-Amour tombe aux mains des Français. Plusieurs villages sont également pris par le duc de Longueville. La tactique des Français est simple : elle consiste à prendre les petites localités pour ne pas avoir à attaquer les grands centres de résistance. Le duc de Saxe-Weimar, au service des Français, en fait tout autant : il pille, rançonne et dévaste tout sur son passage. Ainsi dans le Bailliage d'Amont, il s'empare, entre autres, de Jonvelle et de Jussey, il fait brûler Pierrecourt et tuer tous ses habitants. Il se rend maître de nombreuses forteresses près de la Saône. Charles IV, le duc de Lorraine, qui se voit confier le gouvernement de la Franche-Comté par le roi d'Espagne Philippe IV, reste à Besançon tandis que ses soldats ont la charge de défendre le Bailliage d'Amont. Mais les soldats, indisciplinés, se comportent comme leurs ennemis, les Français, c'est-à-dire en vrais pillards. Le bailliage d'Amont est ainsi dévasté, saccagé et affaibli aussi bien par ses ennemis, les Français, que par ses alliés, les Lorrains".

ref:http://www.frasne.net

"Les troupes étrangères du bailliage d’Amont avaient laissé toute liberté à cette marche victorieuse de nos ennemis, bornant leur vaillance à ravager lepays confié à leur garde, en dignes émules des Suédois. Cependant, une fois leBassigny dégarni de ses armées, l’avidité et la fureur du pillage se tournèrent de ce côté ; et ce pays, non moins malheureux que le nôtre, fut ouvert en permanence,pendant cinq ans, aux courses dévastatrices des garnisons de notre frontière. Comtois, Lorrains, Cravates[1], tantôt en partis isolés, tantôt en bandes réunies, s’élançaient à chaque instant de Jonvelle, de Richecourt, de Demangevelle, deConflans, de Bougey, de Chauvirey, de Suaucourtd’Artaufontaine, de Raucourt, de Gray, de Vesoul même et de Dole, pillaient et incendiaient les villages, tuaient les paysans ou les ramenaient prisonniers, avec leur bétail et leurs menus troupeaux.

Ainsi finit cette malheureuse année 1637. Encore plus calamiteuse que laprécédente, elle laissait nos pays ruinés et dépeuplés par la guerre et la peste. Faute de bras et de bétail, les champs ne furent point ensemencés, ni enautomne ni au printemps suivant, ou du moins ceux qui voulurent semer quelquechose, furent obligés de s’atteler euxmêmes à la charrue[1]. Que l’on juge deces malheureuses années par le tableau navrant que la plume d’un témoin oculaire nous en a tracé : « On vivoit de l’herbe des jardins et des champs. Les charognes des  bestes mortes estoient recherchées aux voiries ; mais cette tablene demeura pas longtemps mise. On tenoit les portes des villes fermées, pour ne se veoir accablé du nombre de gens affamez qui s’y venoient rendre ; et hors des portes, les chemins demie lieue loing estoient pavez de gens hâves et deffaicts, la plupart estendus de foiblesse et se mourant. Dans les villes, les chiens et les chats estoient morceaux délicats ; puis les rats estants en règne furent de requise. J’ay veu moy mesme des gens bien vestus relever par les rues des rats morts jettez par les fenestres, et les cacher pour les manger. Enfin on en vint à la chair humaine, premièrement dans l’armée, où les soldats occis servoient de pasture aux autres, qui coupoient les parties plus charnues descadavres,  pour bouillir ou rostir, et hors du camp faisoient picorée de chair humaine, pour vivre. On descouvrit, en certains villages, des meurtres d’enfants tuez par leurs mères, et de frères par leurs frères, pour se garder de mourir de faim. C’estoit partout la face de la mort[1]. »

Les places de la seconde ligne de défense n’arrêtèrent pas davantage levainqueur. Villersvaudey et Betoncourt lui firent leur humble soumission. Il trouva les châteaux d’Artaufontaine et de  Ray abandonnés comme Suaucourt, d’aprèsles ordres de leurs maîtres ; car ceux ci repoussai ent la neutralité, et les places étaient si mal pourvues, que la résistance n’eût été qu’une  témérité sans profit. Artaufontaine perdit sa grosse tour avec le pavillon de sa porte ; le reste fut conservé pour y loger les gens du gouverneur de Langres."

Le château d'Artaufontaine qui avait résisté aux duc de Bavière seigneur des deux ponts, aux sinistres Galass et Tremblecourt finit par céder en 1637.

« Je n’ay retire de ma maison d’Artaufontaineaultres choses que trente mesures de froment. Tous mes meubles et mesnagerie depourceaux, dindes, poules, canards, oyes, y sont demeurés. Les Français ont démoly, etc. » (Corr. du parlem., 854, Gray, 11 octobre 1641, le sieur de Beaujeu-Montot à ladame de Crécy-Balançon, sa cousine.)

Ref: Artaufontaine 1637 Coudriet, Chatelet - Histoire de Jonvelle et de ses environs, 1864

Le passant peut s'interroger en voyant cette tour dans le hameau  d'Artaufontaine... il s'agit d'un ancien pigeonnier,certes, mais l'imagination aidant on peut essayer de revenir au temps de la forteresse de sa grandeur et ...de sa décadence!

Merci au public de Cornot pour son attention récompensée au final par de délicieux gâteaux confectionnés par des membres de l'association "Cornot initiativ"'! Nous reviendrons!

 

Patrick Mathie 02 avril 2018

Retour à l'accueil
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
F
voila qui est bien intéressant mais au départ je pensais qu'on allait m'entretenir de l'autel de POLAINCOURT qui viendrait,parait-il de la chapelle de l'abbaye de CLAIREFONTAINE mais ce que l'on nous a entretenu est quand meme bien intéressant...Il va de soi qu'avec les changements de la liturgie et des modes,on vendait et ainsi souvent de très beaux éléments se sont promenés par ci par là:encore souvent ces promenades a été une façon de les protéger.Il vaut mieux cela qu(un changement intempestif ou un brasier de chauffage B.F.
Répondre
L
Merci pour ces excellents articles, Patrick
Répondre
P
merci Didier!